Salta - Huamanga : 48 cols à +4000m

C’est l’itinéraire de notre périple qui nous a le plus marqué. Un parcours hors du temps traversant l’altiplano bolivien puis les montagnes russes ; péruviennes pardon ! Nous avons traversé seulement une ville de plus de 5000 habitants en 3500km (dont 75% sur piste) mais c’est finalement cette solitude qui nous a offert de magnifiques rencontres.


Etape 1 : traversée de la Puna d’Atacama  
[672km - 60% sur piste]
Salta (Argentine) – San Pedro d’Atacama (Chili)

6 cols : abra del Acay (4960m), alto Chorrillos (4555m), abra Arizaro (4330m), abra Sico (4458m), abra El Laco (4578m), col anonyme (4100m)






Nous partons de Salta à 1200m, une ville entourée de verdure. Celle-ci va rapidement disparaitre au profit de la Puna d’Atacama, un haut plateau aride (85% argentin, 15% chilien) qu’on ne doit pas confondre avec le désert d’Atacama (une autre région, située au nord du Chili). La difficulté de cette étape est l’acclimatation. En effet celle-ci est difficile car nous avons quasiment 250km de montée jusqu’à l’abra del Acay situé plus haut que le Mont Blanc. Seul le col de la Piedra del Molino (3360m) où nous dormons nous permet une acclimatation précaire. Le reste de cette montée se fait lentement, en essayant de respecter les +400m par jour maximum.


Seulement nous tombons malade, surtout Pauline, qui se déshydrate peu à peu (diarrhée). Dilemme : monter plus vite au risque d’avoir le mal aigu des montagnes ou bien continuer à se déshydrater au risque de se mettre dans le rouge ? Nous décidons d’accélérer l’ascension, nous passons la barre des 4960m exténués et arrivons à un village à la nuit où nous sommes hébergés par les militaires.


La région de Salta (Arg) est bien loin de ce que nous nous imaginions de l’Argentine. Ici, nous nous croyons déjà en Bolivie. Les 250km suivants sont un pur désert montagneux : la nature est à l’état brut et nous avons la sensation de pédaler sur une planète inhabitée. Nous croisons sur 250km environ cinq voitures par jour, un seul village et un passage de frontière.


Cette belle traversée se finit sans difficulté sur une belle route asphaltée qui nous emmène à San Pedro d’Atacama (2400m, Chili), un oasis charmant aux portes du désert d’Atacama. Nous rencontrons sur la route Claude et Françoise pour la deuxième fois en quinze jours. Repas improvisé au bord de la route à bord de leur camping car !


San Pedro est assailli par les touristes mais nous avons quand même trouvé que ce village a su préserver son identité. Il y fait bon vivre si bien que nous y restons huit jours plein à buller.



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Etape 2 : traversée de l’altiplano bolivien [1300km – 99% sur piste]
San Pedro d’Atacama (Chili) – Puno (Pérou)

13 cols : Hito Cajon (4665m), paso del Condor (4735m), paso Sol de Mañana (4944m), col anonyme (4840m), col Uturuncu (5770m), col Juntacha (4330m), col Huayllitas (4410m), col San Agustin (4240m), col Puchini (4360m), col Rio Blanco (4540m), col anonyme (4380m), col Inoca (4170m), col Pucamaya (4288m).


Nous devons remonter sur l’altiplano et une montée d’une trentaine de kilomètres et un peu plus de 2000m de dénivelé nous attendent.

Nous passons en Bolivie par un poste de frontière ressemblant à une maison de berger. Nous voilà sur les pistes sableuses boliviennes entre des géants volcaniques et de magnifiques lagunes peuplées de flamands.

Nous empruntons une route touristique, nous avions lu pas mal de témoignages parlant de hordes de 4x4 nous couvrant de poussière. Il n’en est rien, la poussière est soulevée par nos pneus de toute façon, et la trentaine de 4x4 que nous croisons par jour (cela reste plus que raisonnable !) est même fortement appréciée. C’est pour nous l’occasion de nous ravitailler en eau et de faire de belles rencontres éphémères. On ne nous a jamais refusé de l’eau, ni demandé de l’argent pour en avoir. Les guides boliviens sont en général aimables et souriants. Certains touristes nous ont même offert des biscuits. Bref, à chaque fois que nous voyons un 4x4 au loin c’est presque l’euphorie sur nos bambous !

Cette traversée du Sud Lipez atteint le nirvana lors de l’ascension de son sommet (Uturuncu-6008m) en vélo jusqu’à 5770m puis à pied (A vélo jusqu'à 5770m).


Après cela, honnêtement, nous nous sommes dit que nous avions vécu peut-être le nec plus ultra de notre voyage. Ce n’était que le début… A peine descendus de l’Uturuncu, nous rencontrons Triton, une histoire rocambolesque à découvrir ici : Triton, un boulet qui donne des ailes.

Nous redoutions un peu la traversée du salar d’Uyuni, nous en avions tellement entendue parler que nous avions peur d’être déçu. Nous avons… kiffé grave ! Une fois au bout du salar nous grimpons à pied le volcan Tunupa jusqu’à son sommet inférieur (5150m). Une magnifique balade sur des roches volcaniques de toutes les couleurs offrant une vue étendue sur le salar. Des français et des allemands nous accompagnent durant cette pause pédestre.



Nous avons tant aimé le sel que nous repartons sur le salar pour prolonger le plaisir. Nous avons ensuite une langue de terre d’une cinquantaine de kilomètres à franchir pour atteindre un autre salar, celui de Coipasa. La navigation est un peu compliquée pour atteindre le salar (orientation difficile, pistes sableuses et rarement empruntées). Nous enchainons finalement sur la traversée d’un deuxième salar. A l’autre bout nous logeons chez l’habitant, un bon moment de partage.


Nous choisissons ensuite un itinéraire isolé. Nous croisons environ cinq 4x4 et un village par jour. Nous traversons de nombreux villages abandonnés qui nous serviront de refuges pour la nuit et de points d’eau. Nous arrivons à Negrillos, petit village de 700 habitants officiellement mais 600 personnes ont émigré vers les villes pour trouver du travail et ne reviennent que pour les fêtes du village. Nous sommes hébergés gracieusement dans une pièce dont les murs sont en adobe, comme partout ici (briques faites d’argile et de paille). Notre matelas est composé de paille empaquetée dans de la toile végétale type toile de jute. Cela parait exotique pour nous, mais cela nous interroge aussi sur notre course à l’armement en matière de literie chez nous tellement nous dormons confortablement sur cette paille.


Le soir nous sommes conviés à jouer au football. Puis le lendemain on nous invite à venir voir la fête de l’école. C’est en réalité pour nous le début de deux jours de fête où nous nous faisons remplir l’estomac et rincer la gueule plus que de raison. Un moment fabuleux d’échanges.

La suite de nos pérégrinations boliviennes se déroule sans accroc. Peu avant de quitter le pays, nous sommes hébergés dans une famille où c’est Lisette, 11 ans, qui se charge de notre accueil de A à Z.


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Etape 3 : les montagnes russes péruviennes [1500km – 65% sur piste] 
Puno (Pérou) – Huamanga (Pérou)


29 cols : abra del Puma (4075m), abra de la Laguna Calzada (4515m), abra de la Laguna Huaicho (4305m), abra de la Laguna Saracocha (4250m), col anonyme (4375m), abra de la Laguna Lagunillas (4460m), abra Chaccopata (4510m), abra Patapampa (4889m), abra Amayane (4690m), abra Tolconi (4860m), abra Ares (4871m), abra Acarta (5101m), abra Condorillo (4993m), abra Chumilli (4890m), abra Culipampa (5024m), Abra Taca (4911m), abra Huarcaya (5057m), col anonyme (4889m), col anonyme (4872m), col anonyme (4847m), col anonyme (4851m), abra Aychu (4773m), abra Caraybamba (4519m), col anonyme (4496m), abra Millamar (4003m), abra Autama (4357m), abra Jayuri (4395m), abra Putongo (4349m), abra Achca Cruz (4180m).



Dans nos têtes, nos derniers kilomètres au Pérou sont du bonus tant nous avons déjà apprécié nos sept derniers mois de vélo. Un bonus qui va finalement se transformer en plus de trente cols à franchir. Les montagnes péruviennes nous apparaissent comme un terrain de jeu infini. Nouveauté concernant le paysage : les nombreux canyons que nous devons traverser. Autre changement, le trafic qui se densifie. Le trafic non pas routier, mais canin, ovin, bovin, équin, porcin, ânes, chèvres, volailles… La campagne montagneuse héberge des petits villages dispersés cultivant les terres en terrasses et élevant du bétail.




Un jour comme les autres, nous partons avec de bonnes intentions, c’est-à-dire faire une journée pleine de vélo. Après une dizaine de kilomètres nous nous arrêtons dans le village de Chalcos (3650m). On dirait qu’il y a de l’animation. Pauline va chercher à manger pendant que deux trois personnes viennent voir Micka. Intéressées par nos vélos et surtout cherchant une réponse à « qu’est-ce que vous faites ici ?! » les questions pleuvent. Micka apprend que c’est la fête du village. Nous sommes chaleureusement conviés à rester un peu pour voir ce qu’il s’y passe. Pauline revient avec quelques victuailles et Micka lui dit « fin de la journée vélo, on reste voir la fête ! ». Pauline : « t’es sûr, on n’a fait que 10km ? Bon d’accord ».


Nous assistons à un défilé à caractère religieux en l’honneur de Saint Jean Baptiste, le saint patron du village. Le maire du village vient nous dire que si nous avons besoin de quoi que ce soit, nous n’avons qu’à lui demander.




Puis les harpes et les violons sont de sortie et nous sommes invités malicieusement par les habitants à nous joindre au cercle de danse. Cela fait quelques heures que nous sommes ici, nous sommes déjà dans l’ambiance ! Nous sommes conviés au diner populaire musical durant lequel nous veillons jusqu’à une heure du matin, une heure très tardive puisque qu’à vélo nous nous couchons peu après à l’heure du coucher du soleil, soit vers 20h. En partant, une dame nous dit d’un ton ferme « demain matin, rendez-vous 8h pour le petit déjeuner populaire ! »





Nous repoussons notre départ et allons donc au petit-déjeuner le lendemain matin. C’est en réalité en véritable repas. Vers 10h, une équipe de joyeux lurons nous emmène voir des ruines pré-incas sur les hauteurs du village. Un gouter nous est offert puis nous redescendons manger avec eux dans leur maison familiale vers 13h. A 15h nous nous dirigeons aux jeux de taureaux où on nous offre… un nouveau repas ! Cela commence à devenir chaud pour tout avaler !


Il faut maintenant apprendre à gérer ce genre de situation. Gérer l’ingestion de nourriture mais aussi…de boissons alcoolisées. En effet depuis hier, les deux cent villageois veulent chacun payer leur verre… si bien que nous avons l’impression de refuser beaucoup, mais d’être toujours aussi pompettes !


19h, nouveau repas populaire « a la casa », nouveau parcours du combattant pour tout ingurgiter, et danse jusqu’à tard dans la nuit. Demain c’est la dernière journée de la fête du village et les villageois nous font bien comprendre que ce serait bête de ne pas y être.




C’est parti pour une nouvelle journée de folie. Petit-déjeuner, pardon, grand déjeuner, puis nous sommes conviés à passer en « cuisine » afin de voir comment on prépare toute cette nourriture pour les villageois. En effet, matin, midi et soir, ceux-ci peuvent venir au repas populaire « a la casa ».


Les gens sont très heureux de nous voir rester, des liens se créent et nous commençons même nos premiers cours de quechua, la langue ancestrale parlée ici. La journée se termine par un repas encore plus gargantuesque que les autres.


Il va falloir digérer cette fête, au sens propre mais aussi et surtout émotionnellement… Notre retour en France approche, nous quittons à vélo Chalcos pensifs, nostalgiques d’un si beau partage humain.