La Terre de Feu par la voie maritime


Les cyclos empruntent souvent la même route pour relier Ushuaia et Punta Arenas, une route très ventée avec un peu de trafic, oubliant le littoral du canal du Beagle et présentant peu d’intérêts selon certains. Nous ne pouvons juger ce parcours que nous n’avons pas exploré. Nous avons essayé de prendre un autre itinéraire, plus compliqué car impliquant des traversées par bateau, mais présentant une belle diversité de paysages et historique.



Nous sommes allés tout d’abord à Harberton, une estancia à 90km d’Ushuaia. Cette balade permet de découvrir le littoral du canal du Beagle qui est d’une incroyable richesse faunistique. Nous côtoyons oiseaux, chevaux et taureaux détalant à notre vue. Le vent a façonné les arbres encore debout. Harberton est la première estancia de Terre de feu à voir le jour. Elle est créée en 1886 par le missionnaire anglican Thomas Bridges. C’est un orphelin retrouvé sous un pont quelque part en Angleterre. En 1870 il fonde sa mission anglicane à Ushuaia où il s’installe définitivement. Un quinzaine d’années plus tard, l’Argentine lui donne sa nationalité et un terrain qui deviendra l’estancia Harberton. Harberton est le nom de la ville d’origine de la femme de Thomas. Les Bridges décidèrent de s’établir ici, lieu déjà fréquenté par les habitants nomades locaux : les Yagáns ou Yámanas. L’actuel gestionnaire de l’estancia est l’arrière petit fils de Thomas Bridges qui gère l’estancia avec sa femme, biologiste américaine, leurs filles et petits enfants. 



La Terre de Feu est connue pour ses vents forts quasi quotidiens et sa météo changeante, notre séjour ici n’en est qu’une confirmation. Nous restons ainsi bloqués pendant 36h dans la tente à cause d’une tempête de neige. Le littoral regorge de coin à bivouac de rêve, à deux pas des taureaux et autres animaux. Soyez tranquilles, la faune n’est absolument pas hostile et les taureaux ont une grande peur de l’Homme.

Sur la route d’Harberton, ne pas manquer la vallée Carbajal,  majestueuse avec ses nombreux torrents sillonnant une plaine tourbeuse couronnée de sommets imposants.


De retour à Ushuaia nous traversons le canal du Beagle pour rejoindre Puerto Williams (île Navarino, Chili), lieu habité le plus austral du monde (en excluant les bases scientifiques d’Antarctique). Il faut s’armer de patience pour trouver un bateau depuis Ushuaia. C’est très compliqué mais pas impossible à condition d’avoir du temps devant soi. Pour notre part nous avons dû patienter 16 jours avant de trouver un voilier. La récompense est au bout avec une demi-journée sur le canal du Beagle.



La quasi-totalité de la population de l’île vit à Puerto Williams soit environ 2000 habitants. C’est une île coupée du monde : la ville chilienne la plus proche est Punta Arenas, à 600km ou 30h de bateau. Il est aussi possible de prendre un petit avion depuis Punta Arenas mais celui-ci n’accepte pas de gros bagages type vélo.

Quoi faire à Navarino ? Plein de choses !

L’île de Navarino est la terre des Yámanas, peuple ayant colonisé ces lieux il y a 7000 ans. C’était des nomades, changeant de campement environs toutes les semaines. Leur campement était laissé à l’abandon et n’était pas transporté.

Vous pouvez explorer le littoral nord de l’île à vélo avec sa faune et sa flore époustouflantes, les lieux de bivouacs sont nombreux et enchanteresses. Un bivouac plus glauque mais intéressant historiquement se trouve à quelques kilomètres à l’ouest de Puerto Williams, à la Bateria Robalo qui est une reconstitution d’une ancienne base armée de surveillance. En effet les relations ont été et sont toujours tendues entre le Chili et l’Argentine pour le contrôle de cette région. C’est pourquoi il n’existe aucun lien économique ou de transport régulier entre Puerto Williams et Ushuaia. Certaines îles chiliennes dépourvues d’habitants ont malheureusement été minées à jamais. Vous pourrez dormir au sec dans un bunker ou une tente, ou encore planter la vôtre à quelques dizaines de mètres avec une vue cinq étoiles sur le canal.



Puerto Williams est un ville sympathique où son charme réside dans l’atmosphère familiale et décontractée qu’il y règne. N’hésitez pas à aller flâner le long de la rivière Ukika le dimanche et partager vos grillades avec les locaux. Pour explorer l’intérieur de l’île, c’est à pied qu’il faut se déplacer. Pour ne pas avoir de problème avec la neige au-dessus de 700m il faut viser décembre, avant cela risque d’être compliqué, à moins d’avoir crampons et piolets. S’il y a une seule randonnée à faire, ne pas manquer d’aller à un point de vue situé au-dessus de Puerto Williams (demander comment aller au « drapeau chilien »). Situé à 2h30 de marche aller et à 600m d’altitude, vous pourrez admirer le canal sur plus de 100 km et ses montagnes alentours avec en contre bas, Puerto Williams.


Le nec plus ultra de ce périple en Terre de Feu est de parcourir les fjords de Puerto Williams à Punta Arenas. Si vous connaissez l’Hurtigruten norvégien, alors c’est du même niveau en terme de paysages, c’est-à-dire des fjords en veux-tu en voilà en continu. Pour 130€ embarquez pour 30h de voyage au milieu d’un des endroits les moins exploré au monde. Il y a un bateau par semaine, la nourriture est incluse et l’ambiance bon enfant.